
La réussite d’un tirage d’exposition ne réside pas dans le coût, mais dans la cohérence stratégique entre l’intention artistique, le choix des matériaux et la conformité au marché de l’art.
- La différence de prix entre un tirage standard et un tirage Fine Art reflète un investissement dans la pérennité (plus de 100 ans) et l’expertise d’un maître-tireur, pas seulement dans le papier.
- Le choix du papier (mat, satiné, baryté) est un acte créatif qui définit la signature visuelle de l’œuvre, tandis que la certification devient un acte juridique et fiscal (TVA à 5,5% en France).
Recommandation : Abordez chaque impression non comme une dépense technique, mais comme la première étape de la construction de la valeur patrimoniale et de la cote de votre travail photographique.
L’émotion est intacte. La lumière, la composition, l’instant capturé… tout y est. Pourtant, une fois imprimée, l’image semble avoir perdu son âme. Les noirs sont bouchés, les couleurs fades, la magie s’est évanouie sur un papier sans relief. Cette déception, tout photographe aspirant à l’excellence la connaît. Elle est le symptôme d’une confusion courante : considérer l’impression comme une simple sortie technique, alors qu’elle est l’ultime acte de création. On entend souvent qu’il faut un « bon papier » ou des « bonnes encres », des conseils justes mais terriblement insuffisants.
Ces platitudes masquent la réalité du métier d’artiste-photographe. Car derrière le choix d’un papier ou d’une technologie d’impression se cachent des décisions stratégiques qui impacteront la perception, la conservation et la valeur marchande de votre œuvre. Et si la véritable clé n’était pas de chercher le meilleur rapport qualité/prix, mais de comprendre que chaque euro investi dans un tirage d’art est un placement dans votre propre cote d’artiste ? L’impression Fine Art n’est pas une question de dépense, mais de construction d’une valeur patrimoniale.
Cet article n’est pas un simple guide technique. Il a été conçu comme une feuille de route stratégique pour l’artiste-photographe en France. Nous allons décortiquer ensemble pourquoi un tirage d’exception a un coût, comment choisir vos matériaux non pas selon des règles mais selon votre intention, et comment l’acte de signer et numéroter un tirage est avant tout une décision économique et juridique. Nous verrons que maîtriser l’art du tirage, c’est maîtriser la présentation et la pérennité de votre vision artistique.
Pour vous guider dans cette démarche exigeante, nous aborderons les aspects fondamentaux qui transforment une simple photographie en une œuvre de galerie. Le sommaire ci-dessous détaille les étapes clés de ce parcours vers l’excellence.
Sommaire : Maîtriser l’impression photographique pour l’exposition
- Pourquoi un tirage fine art à 80 € surpasse un tirage photo standard à 15 € ?
- Papier mat, satiné ou brillant : quel rendu pour quel type de photographie ?
- Impression pigmentaire vs jet d’encre standard : quelle différence pour la conservation ?
- L’erreur d’acheter une imprimante fine art à 3000 € pour imprimer 10 tirages par an
- Quand et comment signer, numéroter et certifier vos tirages photographiques d’art ?
- Comment choisir un album photo qui résiste 50 ans sans jaunir ni se décoller ?
- Pourquoi un portfolio de 20 photos fortes bat toujours un portfolio de 100 photos moyennes ?
- Pourquoi le papier baryté reste la référence absolue pour les tirages photographiques d’exception ?
Pourquoi un tirage fine art à 80 € surpasse un tirage photo standard à 15 € ?
Comparer un tirage Fine Art et un tirage standard en se basant uniquement sur le prix est une erreur fondamentale. C’est comme comparer le travail d’un luthier à celui d’une usine de guitares. La différence de 65 € ne paie pas du « papier plus cher », elle finance un écosystème complet dédié à la valeur patrimoniale de votre œuvre. Un tirage standard est un produit de consommation éphémère ; un tirage Fine Art est un objet de collection conçu pour durer.
Le premier facteur est l’expertise humaine. Des laboratoires français spécialisés comme Labophotos, basés à Dijon, n’automatisent pas la chaîne. Chaque fichier est ouvert, contrôlé et ajusté par un maître-tireur. Ce dernier effectue un calibrage colorimétrique individuel pour s’assurer que le rendu final soit parfaitement fidèle à l’intention du photographe. Cet accompagnement personnalisé, qui représente une part non négligeable du coût, est totalement absent des plateformes grand public où le processus est entièrement automatisé.
Ensuite vient la question de la pérennité. Les encres standards (dites « à colorants ») ont une durée de vie limitée. Exposées à la lumière, elles peuvent se dégrader visiblement en moins de dix ans. À l’inverse, les encres pigmentaires utilisées en Fine Art garantissent, selon les normes du Wilhelm Imaging Research, une conservation et une stabilité des couleurs qui peuvent dépasser 100 ans. Cet écart colossal justifie à lui seul l’investissement : vous ne vendez pas une image, vous vendez une œuvre capable d’être transmise.
Enfin, le coût intègre des matériaux d’exception. Il ne s’agit pas juste d’un « beau papier », mais de supports certifiés, souvent 100% coton ou alpha-cellulose, sans acide ni lignine, fabriqués par des maisons centenaires. L’imprimante elle-même, un outil de plusieurs milliers d’euros utilisant jusqu’à 12 couleurs, complète cet arsenal. Le prix final est donc la juste rémunération d’une chaîne de valeur où chaque maillon – l’homme, l’encre, le papier – est optimisé pour l’excellence et la durabilité.
En définitive, payer 80 € pour un tirage n’est pas une dépense, mais un investissement dans la crédibilité de votre démarche artistique et dans la satisfaction à long terme de votre collectionneur.
Papier mat, satiné ou brillant : quel rendu pour quel type de photographie ?
Le choix de la surface du papier n’est pas une simple question de préférence esthétique, c’est le premier acte de traduction de votre intention photographique. Chaque finition interagit différemment avec la lumière et les pigments, et peut soit sublimer, soit trahir votre vision. Il ne faut pas penser en termes de « bon » ou « mauvais » papier, mais en termes de signature visuelle. Quel message la texture du papier doit-elle transmettre ?
Pour naviguer dans cet univers, il faut comprendre les caractéristiques fondamentales de chaque grande famille de papiers :
- Les papiers mats : Avec leur surface lisse ou légèrement texturée et sans aucune réflexion, ils offrent une grande douceur. Ils sont parfaits pour les portraits, les ambiances feutrées et les images à forte teneur poétique. Leur rendu velouté évite toute distraction liée aux reflets. C’est le choix de l’introspection et de la subtilité.
- Les papiers satinés (ou semi-brillants) : Ils représentent un compromis idéal. Avec un léger lustre, ils augmentent la sensation de contraste et la profondeur des noirs (la Dmax) sans pour autant créer les reflets spéculaires d’un papier brillant. C’est une surface polyvalente, excellente pour la photographie d’architecture, de paysage ou de reportage.
- Les papiers brillants et barytés : Ce sont les champions du contraste et de la dynamique. Leurs noirs profonds et leurs blancs éclatants donnent une impression de « claquant » et de précision inégalée. Idéaux pour les images à fort impact, les paysages urbains nocturnes ou les photographies de mode, ils exigent cependant un éclairage parfaitement maîtrisé pour éviter les reflets.
L’illustration ci-dessous met en évidence les différences subtiles de texture qui définissent le caractère de chaque papier.

Comme on peut le voir, la manière dont la lumière accroche la surface est déterminante. Une texture apparente (type « Etching » ou « Torchon ») ajoutera une dimension picturale, tandis qu’une surface ultra-lisse (type « Photo Rag Ultra Smooth ») privilégiera le détail pur de l’image. Le choix dépend donc entièrement de l’effet recherché pour chaque type de photographie.
Pour vous aider à faire un choix éclairé, le tableau suivant synthétise les associations les plus pertinentes entre le sujet photographique et le papier recommandé.
| Type de photographie | Papier recommandé | Caractéristiques | Prix moyen/m² |
|---|---|---|---|
| Paysages urbains nocturnes | Canson Infinity Platine Fibre Rag | Brillant, noirs profonds, Dmax 2.4 | 120-150€ |
| Portraits doux | Hahnemühle Photo Rag Ultra Smooth | Mat, texture veloutée, tons chauds | 80-100€ |
| Architecture | Baryta Prestige II | Semi-brillant, contraste élevé | 100-130€ |
| Nature/Animalier | German Etching | Texturé, aspect gravure | 90-110€ |
L’expérimentation reste la meilleure voie. Commandez des packs d’échantillons auprès des fabricants (Hahnemühle, Canson) et réalisez des tirages de test. Le toucher du papier est une composante essentielle de l’œuvre finale.
Impression pigmentaire vs jet d’encre standard : quelle différence pour la conservation ?
La différence fondamentale entre l’impression pigmentaire (Fine Art) et le jet d’encre standard (à colorants) réside dans la nature même de l’encre et sa capacité à résister à l’épreuve du temps. Il ne s’agit pas d’une simple nuance technique, mais d’un fossé qui sépare un produit de consommation d’une œuvre d’art archivable. Cette distinction est au cœur du pacte de confiance que vous établissez avec un collectionneur.
Les encres à colorants (dites « dye-based »), utilisées dans les imprimantes bureautiques et les laboratoires photo grand public, sont des molécules de couleur dissoutes dans un liquide. Elles pénètrent la fibre du papier, offrant des couleurs vives. Cependant, leur structure moléculaire est très sensible aux UV et à l’ozone. Résultat : une dégradation visible des couleurs peut survenir en quelques années, voire quelques mois en cas d’exposition directe à la lumière. L’image jaunit, les couleurs virent, l’œuvre se meurt.
À l’opposé, les encres pigmentaires sont constituées de microparticules de pigments de couleur, encapsulées dans une résine et en suspension dans un liquide. Au lieu de pénétrer le papier, elles se déposent à sa surface et s’y fixent en séchant. Ces pigments sont intrinsèquement beaucoup plus stables et résistants aux agressions extérieures. Cette technologie, combinée à des papiers de qualité muséale, est la seule à pouvoir garantir une longévité exceptionnelle. Comme le souligne l’expert en impression Fine Art Eric Canto :
L’utilisation d’encres pigmentaires est une garantie pour l’acheteur, une promesse que son investissement ne se dégradera pas. C’est un pacte de confiance entre l’artiste et son collectionneur.
– Eric Canto, Expert en impression Fine Art
Cette durabilité n’est pas une simple affirmation marketing, elle est mesurée et certifiée. L’association d’encres pigmentaires et de papiers sans acide permet d’atteindre et de dépasser les exigences de la norme ISO 9706 sur la permanence du papier. Les papiers conformes à cette norme, selon les standards exigés par la Bibliothèque nationale de France et les plus grands musées, garantissent une conservation minimale de 100 ans dans des conditions normales d’exposition. C’est cette certification qui confère au tirage son statut d’objet archivable et donc sa valeur sur le marché de l’art.
En somme, choisir l’impression pigmentaire, c’est faire le choix de la pérennité. C’est affirmer que votre photographie n’est pas un instantané, mais une œuvre destinée à traverser les générations.
L’erreur d’acheter une imprimante fine art à 3000 € pour imprimer 10 tirages par an
L’idée de maîtriser toute la chaîne de production, de la prise de vue au tirage final, est séduisante pour tout artiste photographe. Posséder sa propre imprimante Fine Art semble être le summum de l’autonomie et du contrôle qualité. Cependant, cette décision, souvent prise sur un coup de tête, peut se transformer en un gouffre financier et logistique si elle n’est pas basée sur un arbitrage économique réaliste.
Le coût d’achat de 3000 € pour une imprimante de type Epson SC-P900 n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le Coût Total de Possession (TCO) inclut de nombreuses dépenses cachées. Les cartouches d’encre pigmentaire, bien que performantes, sont onéreuses (environ 450 € pour un jeu complet). Plus pernicieux encore, les imprimantes modernes effectuent des cycles de nettoyage automatiques pour éviter le bouchage des têtes d’impression. Ces cycles consomment de l’encre, que vous imprimiez ou non. Une faible utilisation peut paradoxalement entraîner une consommation d’encre significative, estimée jusqu’à 20% du volume des cartouches, juste pour la maintenance.
Calcul du coût réel d’une imprimante professionnelle peu utilisée
Une analyse du TCO sur 3 ans pour une imprimante Fine Art A2 à 3000 € révèle un coût souvent sous-estimé. En ajoutant l’achat initial, un jeu de cartouches par an (450 € x 3), une estimation pour le papier de test et de calibrage (200 €/an), et en tenant compte de l’encre consommée par les cycles de nettoyage, le coût total sur trois ans approche les 5000 €. Pour un volume de 10 tirages A3+ par an, cela ramène le coût de revient par tirage à plus de 160 € en coûts fixes, sans même compter le temps passé en calibrage, tests et maintenance.
Face à ce constat, l’achat ne se justifie que pour un volume de production soutenu. Pour des besoins ponctuels, des alternatives stratégiques, très développées en France, sont bien plus pertinentes :
- Faire appel à un laboratoire professionnel : Des institutions comme Picto, Central Dupon Images ou des artisans comme Labophotos offrent une qualité musée pour des tirages unitaires, avec l’expertise d’un maître-tireur incluse.
- Collaborer avec un tireur indépendant : Travailler en direct avec un artisan local permet un service sur-mesure, un dialogue enrichissant et une expertise partagée sur le choix des papiers.
- Envisager le partage de matériel : Rejoindre un collectif d’artistes ou un atelier partagé qui mutualise les coûts d’un matériel d’impression professionnel est une solution économiquement viable.
L’autonomie a un prix. Avant d’investir, calculez honnêtement votre volume de production annuel. Le plus souvent, déléguer l’impression à un expert est non seulement plus économique, mais aussi un gage de qualité supérieure et de tranquillité d’esprit.
Quand et comment signer, numéroter et certifier vos tirages photographiques d’art ?
La signature et la numérotation ne sont pas de simples formalités ; elles constituent l’acte de certification qui transforme une belle image en une œuvre d’art reconnue sur le marché. C’est l’instant précis où l’artiste engage sa responsabilité, authentifie son travail et lui confère une rareté. En France, cet acte a des implications juridiques et fiscales précises qu’il est impératif de maîtriser.
Le cadre légal français est clair. Pour qu’une photographie soit considérée comme une œuvre d’art originale, elle doit être signée par l’artiste et numérotée dans une limite de 30 exemplaires maximum, tous formats et supports confondus. Le respect de cette règle est crucial car il ouvre droit à un avantage fiscal considérable : l’application d’une TVA réduite à 5,5% au lieu de 20% pour la vente, conformément à l’article 278-0 bis du Code Général des Impôts.
La signature se fait traditionnellement au crayon à papier (graphite), car il n’altère pas chimiquement le papier et reste stable dans le temps. Elle s’appose généralement dans la marge inférieure droite du tirage. La numérotation, sous la forme « 1/30 », se place dans la marge inférieure gauche. Il est également d’usage de mentionner le titre de l’œuvre au centre. En plus des 30 exemplaires, l’artiste peut réaliser des « Épreuves d’Artiste » (E.A.), hors commerce et limitées à 10% du tirage total (soit 3 E.A. pour un tirage de 30).
L’étape suivante est la création d’un certificat d’authenticité. Ce document indépendant, qui accompagnera le tirage lors de la vente, doit reprendre les informations essentielles : nom de l’artiste, titre de l’œuvre, dimensions, technique d’impression, type de papier et d’encre, date du tirage, et bien sûr, le numéro de l’exemplaire et la signature originale de l’artiste. Pour renforcer la sécurité, des systèmes comme les hologrammes Hahnemühle, constitués de deux autocollants numérotés identiques (un pour le certificat, un pour le dos du tirage), créent un lien infalsifiable entre l’œuvre et son certificat.

En conclusion, la certification est un acte stratégique. Elle ne garantit pas seulement l’authenticité pour le collectionneur, elle assoit votre statut d’artiste professionnel et valorise durablement votre travail sur le marché de l’art.
Comment choisir un album photo qui résiste 50 ans sans jaunir ni se décoller ?
Une fois vos tirages d’art réalisés avec le plus grand soin, la question de leur conservation devient primordiale. Les présenter dans un album photo standard est l’erreur la plus commune et la plus destructrice. Les colles acides, les pochettes en PVC et les papiers de mauvaise qualité que l’on trouve dans le commerce sont les ennemis jurés de vos tirages. Ils libèrent des composés chimiques qui, à terme, provoquent jaunissement, décoloration et dégradation irrémédiable.
Choisir un album adapté à la conservation à long terme (dit « qualité archive ») exige la même rigueur que pour le choix du papier d’impression. Il ne s’agit plus d’esthétique, mais de chimie et de science des matériaux. Le but est de créer un environnement chimiquement neutre qui protégera vos œuvres des agressions internes (acidité) et externes (lumière, humidité, polluants).
Pour un photographe artiste, deux solutions professionnelles se distinguent. La première est l’album ou portfolio de conservation. Ces objets sont spécifiquement conçus avec des matériaux inertes. La seconde, souvent privilégiée par les musées et les galeries, est la boîte d’archivage. Des marques comme Canson Infinity proposent des boîtes de conservation fabriquées à partir de carton à pH neutre, sans lignine et avec une réserve alcaline pour neutraliser les polluants acides de l’atmosphère. Elles permettent un stockage à plat, évitant toute contrainte mécanique sur les tirages, et sont idéales pour présenter un portfolio à un galeriste.
Que vous optiez pour un album ou une boîte, une checklist de critères techniques doit guider votre choix pour garantir une protection optimale sur plusieurs décennies.
Votre plan d’action pour choisir un support de conservation
- Vérification du pH : Assurez-vous que tous les matériaux en contact avec les tirages (papier, carton, colle) sont certifiés « sans acide » ou à pH neutre (entre 7.0 et 8.5).
- Analyse des pochettes : Si vous utilisez des pochettes transparentes, exigez du polypropylène (PP) ou du polyester (Mylar). Fuyez le PVC (vinyle), qui libère des acides chlorhydriques en vieillissant.
- Examen des intercalaires : L’album doit comporter des feuilles intercalaires en papier cristal (glassine) ou en papier barrière à pH neutre pour éviter le frottement et le transfert chimique entre les tirages.
- Contrôle de la reliure : Privilégiez une reliure cousue, beaucoup plus durable qu’une reliure collée dont l’adhésif peut se dégrader et affecter les tirages à proximité.
- Absence d’azurants optiques : Vérifiez que les papiers de l’album sont exempts d’azurants optiques, des agents de blanchiment qui peuvent jaunir avec le temps et migrer vers vos photographies.
Investir dans un support de conservation de qualité n’est pas une dépense superflue. C’est l’assurance que la valeur patrimoniale de vos tirages, construite à grands frais, sera préservée pour les générations futures.
Les points clés à retenir
- La valeur d’un tirage Fine Art réside dans l’expertise humaine, la pérennité des matériaux et sa conformité au marché de l’art, justifiant son coût supérieur.
- Le choix du papier est une décision artistique cruciale qui définit la « signature visuelle » de l’œuvre bien au-delà d’une simple préférence pour le mat ou le brillant.
- L’acte de signer et numéroter un tirage est une démarche juridique et fiscale stratégique en France, ouvrant droit à une TVA réduite et officialisant l’œuvre.
Pourquoi un portfolio de 20 photos fortes bat toujours un portfolio de 100 photos moyennes ?
Dans la quête de reconnaissance, un photographe peut être tenté de montrer l’étendue de son travail en présentant un portfolio pléthorique. C’est une erreur de jugement fondamentale. En matière de portfolio destiné aux galeristes, aux curateurs ou aux concours, la règle d’or est celle de l’édition rigoureuse. Un portfolio n’est pas un inventaire, c’est une démonstration. Il ne doit pas prouver que vous savez prendre des photos, mais que vous avez une vision.
Une sélection de 100 images, même correctes, dilue inévitablement votre propos. Les images les plus faibles tirent l’ensemble vers le bas et sèment le doute sur votre capacité à évaluer votre propre travail. Un directeur de galerie n’a que quelques minutes à vous accorder ; il cherche une signature, une cohérence, une narration. Une série concise et percutante de 15 à 20 images est infiniment plus efficace pour transmettre une vision d’auteur. Comme le résume Jérémy Boissy, directeur de LaboPhotos.fr, « Une série cohérente de 20 images démontre une vision et une capacité d’édition, qualités essentielles pour être exposé dans une galerie parisienne. »
Cette approche a également un avantage économique pragmatique. Produire 100 tirages moyens représente un coût non négligeable. En se concentrant sur 20 œuvres, on peut allouer un budget par image bien plus conséquent, permettant d’opter pour les meilleurs papiers et un encadrement de qualité supérieure. L’impact visuel d’une série de tirages d’exception est sans commune mesure avec celui d’un grand nombre de tirages standards. Un calcul simple, basé sur des tirages A3+ en papier baryté, montre qu’il est plus judicieux d’investir 1600€ dans 20 tirages d’exception (80€/pièce) que 2000€ dans 100 tirages moyens (20€/pièce). Le premier portfolio crie « exposition », le second « album de famille ».
L’acte d’éditer est donc doublement stratégique. Il aiguise votre propos artistique et optimise votre investissement financier. Il vous force à définir ce qui est essentiel dans votre travail et à le présenter de la manière la plus impactante possible. La force d’un portfolio ne se mesure pas à son poids, mais à sa densité.
Avant même de penser à l’imprimante ou au papier, le travail le plus important est celui de l’édition. Une seule image faible peut ruiner la crédibilité d’une série entière. Soyez votre curateur le plus impitoyable.
Pourquoi le papier baryté reste la référence absolue pour les tirages photographiques d’exception ?
Dans le panthéon des papiers photographiques, le papier baryté occupe une place à part. Il n’est pas juste une option parmi d’autres ; il est un standard, une référence historique et technique pour le tirage d’art en noir et blanc, mais aussi en couleur. Son aura est telle qu’il est souvent exigé par les galeries et les collectionneurs les plus prestigieux. Comprendre ce qui le rend unique, c’est toucher à l’essence même de l’histoire de la photographie.
Le secret du papier baryté réside dans sa structure. Avant l’application de l’émulsion photosensible (pour le tirage argentique) ou de la couche réceptrice d’encre (pour le jet d’encre), le papier est enduit d’une couche de sulfate de baryum (la « baryte »). Cette couche blanche et chimiquement inerte a deux fonctions capitales. Premièrement, elle lisse parfaitement la surface du papier, permettant une précision de détail extraordinaire. Deuxièmement, elle agit comme un réflecteur de lumière, donnant aux blancs un éclat unique et une luminosité sans égale, sans avoir recours aux azurants optiques qui jaunissent avec le temps.
Cette structure permet d’atteindre des performances techniques inégalées, notamment en termes de profondeur des noirs (Dmax). Un papier mat standard peine à dépasser une Dmax de 1.6, donnant des noirs qui peuvent paraître légèrement délavés. En comparaison, selon les mesures techniques de WhiteWall, un papier comme le Hahnemühle Photo Rag Baryta peut atteindre une Dmax de 2.6. Cette différence n’est pas une nuance d’expert ; elle est spectaculaire. Les noirs sont denses, profonds, presque liquides, créant un contraste et une sensation tridimensionnelle que nul autre papier ne peut égaler. C’est cette capacité à reproduire toute la gamme tonale, des hautes lumières les plus subtiles aux ombres les plus profondes, qui en fait le support de prédilection pour le noir et blanc exigeant.
Au-delà de la technique, le papier baryté porte en lui un héritage. Son toucher, son poids et son léger lustre rappellent les tirages des grands maîtres de la photographie humaniste française. Comme le note le laboratoire LaboPhotos, il « est l’incarnation de l’excellence en matière d’impression photographique, rappelant l’âge d’or de la photographie humaniste française de Doisneau et Cartier-Bresson. » Utiliser un papier baryté, c’est inscrire son travail dans une lignée historique et affirmer une ambition artistique de premier plan, comme en témoigne son omniprésence lors d’événements majeurs tels que les Rencontres d’Arles.
Pour tout photographe visant la qualité d’exposition, maîtriser le tirage sur papier baryté n’est pas une option, mais un passage obligé. C’est le support qui offre le moins de compromis et le plus de potentiel pour sublimer une vision artistique forte.
Questions fréquentes sur l’impression et la certification de tirages d’art
Quelle est la limite légale du nombre d’exemplaires en France ?
Pour bénéficier du statut fiscal d’œuvre d’art (et de la TVA à 5,5%), le tirage total d’une photographie doit être limité à 30 exemplaires maximum, tous formats et supports confondus.
Qu’est-ce qu’une épreuve d’artiste (E.A.) ?
Une épreuve d’artiste est un tirage réalisé en plus de l’édition principale, réservé à l’usage personnel de l’artiste (exposition, archives). Elle est hors commerce et son nombre est généralement limité à 10% du tirage principal (par exemple, 3 E.A. pour une édition de 30).
Les hologrammes Hahnemühle sont-ils obligatoires ?
Non, ils ne sont pas une obligation légale. Cependant, ils constituent un système de sécurité très apprécié des collectionneurs et des galeries, car ils créent un lien infalsifiable entre le tirage et son certificat d’authenticité, luttant ainsi efficacement contre la contrefaçon.