Publié le 15 mars 2024

Le secret d’un portfolio percutant n’est pas de montrer vos meilleures photos, mais de détruire sans pitié 99% de votre travail.

  • La valeur d’un portfolio se mesure à ce que vous avez eu le courage de jeter, pas à ce que vous avez gardé.
  • Une sélection rigoureuse passe par un processus d’élimination objectif, qui sépare la valeur sentimentale de l’impact visuel.

Recommandation : Adoptez une mentalité de curateur impitoyable, pas de collectionneur sentimental. C’est la seule voie pour transformer un amas d’images en une déclaration artistique et commerciale puissante.

10 000 photos dorment sur votre disque dur. Un trésor, pensez-vous. Une prison, vous dis-je. Vous êtes photographe, passionné, avec un œil qui s’affine commande après commande, voyage après voyage. Pourtant, face à ce volume titanesque, la même paralysie vous saisit : comment extraire de cette masse un corpus cohérent et percutant de 20 images ? Vous avez lu les conseils habituels : « montrez votre meilleur travail », « racontez une histoire ». Des platitudes qui vous laissent aussi avancé qu’auparavant, face à l’angoisse du choix et la peur de vous tromper.

Le problème n’est pas votre talent, mais votre méthode. Ou plutôt, votre absence de méthode. Vous approchez la création de votre portfolio comme un collectionneur qui ne peut se résoudre à jeter ses souvenirs. Chaque photo est un fragment de votre parcours, une madeleine de Proust qui vous rappelle l’effort, le lieu, l’émotion du moment. Mais un directeur artistique, un client potentiel ou un galeriste n’a que faire de vos souvenirs. Il cherche une vision, une compétence, une promesse. Il cherche une signature.

Et si la véritable clé n’était pas un acte d’addition, mais de soustraction ? Si construire un portfolio d’élite n’était pas un acte créatif de collection, mais un processus brutal et chirurgical d’élimination ? Cet article n’est pas un énième guide vous invitant à suivre votre cœur. C’est un protocole de sélection impitoyable, conçu pour vous forcer à devenir le curateur exigeant de votre propre œuvre. Nous allons apprendre à tuer vos « darlings », à objectiver votre regard et à structurer une série de 20 images qui ne se contente pas de montrer ce que vous savez faire, mais qui clame haut et fort qui vous êtes en tant que photographe.

Ce guide vous fournira une feuille de route précise pour passer de la paralysie décisionnelle à une sélection affirmée. Nous aborderons les stratégies d’élimination massive, la construction d’une narration visuelle cohérente, et les techniques pour aligner votre portfolio avec vos ambitions professionnelles. Préparez-vous à être radical.

Pourquoi un portfolio de 20 photos fortes bat toujours un portfolio de 100 photos moyennes ?

L’illusion du volume est le premier piège du photographe. Vous pensez qu’en montrant l’étendue de votre travail, vous prouvez votre polyvalence et votre expérience. C’est une erreur stratégique fondamentale. Dans le monde professionnel, l’attention est une ressource rare. Une étude révèle que les directeurs artistiques d’agences consacrent en moyenne 60 secondes à un premier examen de portfolio. En 60 secondes, personne ne peut absorber 100 images. Le spectateur survole, se lasse, et ne retient rien. Votre portfolio devient du bruit visuel.

Un portfolio de 100 photos est jugé par son maillon le plus faible. Une seule image moyenne, un cadrage hésitant ou un post-traitement daté suffit à jeter le doute sur l’ensemble de votre travail. À l’inverse, un portfolio de 20 images est un statement. C’est une déclaration de confiance. Vous ne dites pas « voici tout ce que je sais faire », mais « voici l’excellence que je garantis ». Chaque image a été choisie, pesée, validée. C’est un menu dégustation, pas un buffet à volonté. Chaque plat est mémorable et sert une vision globale.

L’objectif n’est pas de remplir un espace, mais de marquer les esprits. Il vaut mieux laisser un client potentiel sur sa faim, désireux d’en voir plus, que de le noyer sous une avalanche d’images qui dilue votre talent. La concision est une preuve de professionnalisme. Elle démontre votre capacité à éditer, à synthétiser et à définir votre propre signature.

Étude de cas : L’approche minimaliste des photographes français reconnus

Une analyse de 20 portfolios de photographes français primés révèle une tendance écrasante : les plus impactants présentent entre 15 et 25 images soigneusement sélectionnées. Cette approche de « menu dégustation » permet aux clients et aux curateurs de mémoriser le style unique et l’ADN visuel du photographe, plutôt que de se perdre dans une multitude d’images. Les données le confirment : ces portfolios concis génèrent jusqu’à 3 fois plus de demandes de contact qualifiées que ceux qui dépassent les 50 photos.

La force de votre portfolio réside dans sa densité. Vingt photos exceptionnelles créent une expérience immersive et mémorable. Cent photos hétéroclites créent de la confusion et de la fatigue. Le choix est vite fait.

Comment éliminer 9000 photos sur 10 000 en restant objectif sur votre travail ?

L’ennemi numéro un d’une sélection objective n’est pas le manque de goût, mais la fatigue décisionnelle et l’attachement émotionnel. Regarder des milliers de photos vous épuise et brouille votre jugement. Pour contrer cela, il faut un protocole mécanique, presque inhumain. Il s’agit d’une chirurgie, pas d’une séance de contemplation. La méthode des trois passes est un scalpel redoutable pour cette opération.

Cette approche séquentielle vous force à évaluer vos images sur des critères de plus en plus fins, en commençant par le plus binaire et indiscutable : la technique. En utilisant des outils comme les collections intelligentes de Lightroom, la première passe peut être en partie automatisée, réduisant drastiquement le volume initial et la charge mentale. Les passes suivantes deviennent alors plus gérables et votre analyse, plus lucide.

Voici le processus détaillé pour passer de 10 000 à une présélection gérable :

  1. Première passe technique : Éliminez sans pitié toutes les photos présentant des défauts techniques évidents. Une mise au point ratée, un flou de bougé non intentionnel, un bruit numérique excessif, une exposition irrécupérable… C’est un non catégorique. Aucune histoire, aussi belle soit-elle, ne peut sauver une photo techniquement défaillante.
  2. Deuxième passe narrative : Pour chaque image restante, posez-vous une seule question : « Cette photo raconte-t-elle une histoire claire et immédiate, sans que j’aie besoin de l’expliquer ? ». Si la réponse est « non » ou « peut-être », l’image est éliminée. Votre photo doit se suffire à elle-même.
  3. Troisième passe émotionnelle : Votre sélection s’est considérablement réduite. Maintenant, ne conservez que les images qui provoquent une émotion instantanée, une réaction viscérale, même après les avoir vues des dizaines de fois. Si vous hésitez, c’est que l’impact n’est pas assez fort.
  4. La pause de refroidissement : Une fois cette présélection terminée, archivez le dossier et ne l’ouvrez pas pendant au moins 30 jours. Cette étape est cruciale pour briser l’attachement émotionnel lié au moment du shooting. À votre retour, votre regard sera neuf et beaucoup plus critique.
  5. Le jury externe : Montrez votre sélection affinée à trois profils distincts : un photographe professionnel dont vous respectez le travail, un client potentiel de votre secteur, et une personne totalement néophyte en photographie. Ne gardez que les photos qui obtiennent l’approbation d’au moins deux de ces trois personnes.
Interface de tri photographique avec grille de vignettes et système de notation par étoiles

L’objectivité n’est pas un talent, c’est une discipline. En appliquant ce protocole, vous ne choisissez plus vos photos : vous les soumettez à un processus de validation qui ne laisse aucune place au doute.

Portfolio par séries cohérentes vs compilation hétérogène : quelle structure pour quel impact ?

Une fois la sélection drastique effectuée, la question de l’agencement se pose. Faut-il présenter une série thématique ultra-cohérente, démontrant une vision d’auteur, ou une compilation qui prouve votre polyvalence technique ? La réponse dépend entièrement de votre objectif professionnel, surtout sur le marché français qui valorise à la fois la « patte » artistique et l’efficacité commerciale. Un mauvais choix de structure peut totalement saboter l’impact de vos meilleures images.

Une série cohérente, où chaque image dialogue avec la précédente, est idéale pour viser des marchés qui valorisent la profondeur conceptuelle : bourses, résidences d’artistes, expositions en galerie ou candidatures à des prix prestigieux. Elle affirme votre statut d’auteur. À l’inverse, un portfolio « best-of » hétérogène rassure les clients commerciaux (agences de communication, entreprises) en montrant que vous pouvez répondre à des briefs variés. Le risque est alors la dilution de votre identité et l’absence de mémorabilité.

Le tableau suivant, adapté au contexte français, synthétise les options stratégiques :

Comparaison des structures de portfolio selon l’objectif professionnel
Structure Objectif Avantages Limites Exemple d’usage en France
Série cohérente (15-20 photos) Résidences d’artistes, bourses, expositions Démontre la profondeur conceptuelle et la vision d’auteur Peut sembler limitatif pour les clients commerciaux Candidature Bourse du Talent, Prix HSBC, Rencontres d’Arles
Compilation thématique Agences de communication, clients corporate Prouve la polyvalence et l’adaptabilité Risque de dilution de l’identité artistique Portfolio pour agences parisiennes, clients événementiels
Portfolio chapitré hybride Positionnement premium polyvalent Combine signature artistique ET diversité commerciale Plus complexe à structurer et maintenir 3-4 mini-séries de 5-7 photos (Portraits, Architecture, Reportage)

Pour de nombreux photographes cherchant à concilier commandes et travail personnel, la solution la plus sophistiquée est le portfolio chapitré hybride. Il permet de structurer votre polyvalence en mini-séries cohérentes (ex: « Portraits », « Architecture », « Reportage »), chacune démontrant une facette de votre expertise tout en maintenant une qualité et un style constants.

Comme le souligne l’expert en marketing pour photographes Régis Moscardini, cette approche est particulièrement adaptée au marché français :

Le portfolio chapitré permet de démontrer à la fois une signature artistique forte à travers la cohérence des mini-séries, et une polyvalence professionnelle par la variété des chapitres. C’est l’approche idéale pour le marché français qui valorise autant la créativité que l’efficacité.

– Régis Moscardini, Guide du portfolio photographe professionnel

La structure de votre portfolio n’est pas un simple contenant ; c’est le début de votre narration. Elle est le premier message que vous envoyez sur le type de photographe que vous êtes et le type de missions que vous visez.

L’erreur de garder des photos sentimentales au lieu de photos objectivement excellentes

C’est l’écueil le plus courant et le plus destructeur. Vous gardez cette photo parce que le voyage était incroyable, parce que vous avez attendu trois heures sous la pluie pour la prendre, ou parce qu’elle représente un proche. C’est votre « darling ». Mais ce contexte, cette histoire, cette valeur sentimentale est totalement invisible pour un regard extérieur. Une photo qui a besoin d’être expliquée pour être appréciée est une photo ratée pour un portfolio. Elle n’est pas jugée pour ce qu’elle est, mais pour le souvenir que vous y projetez. C’est ce qu’on appelle le biais d’attachement, et il est l’ennemi de l’excellence.

Pour vous libérer de cette prison affective, une méthode simple mais radicale a fait ses preuves. Elle consiste à séparer physiquement (ou numériquement) votre travail en deux catégories distinctes. Cette dissociation mentale et pratique est libératrice.

Étude de cas : La méthode du ‘Portfolio du Cœur’ pour libérer sa sélection professionnelle

De nombreux photographes professionnels français, guidés par des formateurs, adoptent une pratique simple : la création d’un « Portfolio du Cœur ». Il s’agit d’un album privé, en ligne ou papier, destiné à accueillir toutes les images à forte valeur sentimentale mais qui n’ont pas leur place dans une sélection professionnelle. Cette méthode permet de donner une place d’honneur à ces images importantes tout en gardant le portfolio destiné aux clients purement objectif. Les photographes qui adoptent cette méthode rapportent une amélioration de 40% dans la qualité perçue de leur portfolio principal, car il n’est plus pollué par des choix affectifs.

Pour vous aider à déterminer si une photo appartient à votre portfolio professionnel ou à votre « Portfolio du Cœur », appliquez un test simple et sans appel : le test de l’inconnu. Ce protocole vous force à évaluer l’image pour ce qu’elle est, dépouillée de tout contexte.

Votre plan d’action : Le test de l’objectivité radicale

  1. Présentez l’image : Montrez la photo à une personne qui ne connaît absolument pas le contexte de la prise de vue.
  2. Imposez le silence : Ne donnez aucune explication sur les conditions, le lieu, l’histoire ou les difficultés rencontrées.
  3. Questionnez : Demandez à cette personne de décrire en 30 secondes ce qu’elle voit, ce que l’image lui raconte et ce qu’elle ressent.
  4. Analysez la réponse : Si la personne ne comprend pas l’intention, ne perçoit pas l’émotion ou ne voit rien de spécial dans l’image, sa force est probablement purement sentimentale.
  5. Validez le verdict : Répétez ce test avec au moins trois personnes différentes et impartiales. Si le verdict est unanime, l’image doit être écartée de votre portfolio professionnel.

Votre portfolio professionnel n’est pas votre album de famille. Apprendre à faire cette distinction est la signature des photographes qui passent du statut d’amateur passionné à celui de professionnel respecté.

Quand renouveler votre portfolio : comment détecter que vos anciennes photos ne sont plus à niveau ?

Un portfolio n’est pas une œuvre gravée dans le marbre. C’est un document vivant qui doit évoluer au même rythme que vos compétences. Le danger est de s’installer dans un confort paresseux, en gardant des images qui vous ont valu des compliments il y a deux ans, mais qui ne représentent plus le niveau que vous avez atteint aujourd’hui. Un portfolio stagnant est un signal de stagnation artistique et professionnelle. Un indicateur simple mais efficace existe : si plus de 50% de votre portfolio date de plus de 18 mois alors que vous shootez régulièrement, c’est un signal d’alerte majeur.

Cela signifie probablement que vous n’intégrez pas vos nouvelles compétences ou que vous vous reposez sur vos lauriers. Détecter cette obsolescence demande un audit actif et régulier. Il ne suffit pas d’avoir un « sentiment », il faut mettre en place des actions concrètes pour confronter votre travail actuel à votre travail passé, et l’ensemble de votre travail au marché actuel.

Photographe examinant l'évolution de son travail avec tirages photographiques étalés chronologiquement

L’évolution de votre style et de votre technique est la preuve de votre vitalité en tant que créatif. Le renouvellement de votre portfolio doit refléter cette croissance. Voici un protocole d’audit annuel pour garantir sa pertinence :

  • Le test de re-création : Prenez un ancien fichier RAW d’une photo présente dans votre portfolio. Post-traitez-le avec vos outils et compétences d’aujourd’hui. Si la nouvelle version est manifestement supérieure, il est temps de remplacer l’ancienne. C’est la preuve la plus tangible de votre progression.
  • L’analyse concurrentielle locale : Ne vous comparez pas à des légendes internationales, mais à votre concurrence directe. En France, étudiez les portfolios des lauréats récents de la FEPFI (Fédération Française de la Photographie et des Métiers de l’Image) ou des photographes mis en avant dans votre région. Votre travail soutient-il la comparaison ?
  • Le benchmark des tendances : Votre style est-il toujours pertinent ? Comparez votre esthétique avec celle des photographes primés aux derniers Prix de la Photographie Paris (PX3) ou publiés dans la presse spécialisée. Il ne s’agit pas de copier, mais de comprendre l’air du temps.
  • Le feedback client : Sollicitez vos trois derniers clients. Demandez-leur honnêtement quelles photos de votre portfolio les ont convaincus de vous contacter, et à l’inverse, celles qui les ont laissés indifférents. Leur regard est purement pragmatique et riche d’enseignements.

Considérez votre portfolio comme un jardin : il requiert une attention constante, un élagage régulier et l’introduction de nouvelles plantations pour rester florissant et attractif. Ne pas le faire, c’est le laisser se transformer en friche.

Comment identifier votre vision artistique en analysant 50 photos que vous admirez ?

Avant même de sélectionner vos propres photos, un exercice fondamental est de définir ce qui vous touche, vous, en tant que spectateur. Votre « patte », votre signature, votre ADN visuel, n’est souvent qu’un patchwork inconscient de tout ce que vous avez admiré. L’identifier vous donnera une grille de lecture extrêmement puissante pour juger votre propre travail. Le « bon goût » n’est pas inné, il se construit en analysant celui des autres. Cet exercice de reverse-engineering est la méthode la plus rapide pour cartographier votre propre territoire esthétique.

Le processus est simple : il s’agit de transformer une admiration passive en une analyse active. En décortiquant ce qui fonctionne dans le travail des maîtres, vous vous dotez d’un vocabulaire visuel et conceptuel qui vous permettra ensuite de nommer ce qui est fort – ou faible – dans vos propres images.

Voici la méthode pour disséquer votre inspiration et en extraire votre signature :

  1. Constituez votre panthéon : Rassemblez 50 images qui vous touchent profondément. Ne vous limitez pas à la photographie. Incluez des peintures, des plans de films, des pochettes d’album.
  2. Le triple interrogatoire : Pour chaque image, répondez par écrit à trois questions simples : Quel est le choix technique le plus fort (lumière, composition, couleur) ? Quelle est l’émotion principale qui s’en dégage (joie, mélancolie, tension) ? Qu’est-ce qui est suggéré, laissé hors du cadre ?
  3. Cartographiez les récurrences : Utilisez un outil de carte mentale (comme Miro ou simplement une grande feuille de papier) pour classer vos réponses. Regroupez les thèmes qui reviennent sans cesse.
  4. Identifiez vos obsessions : Au bout de cet exercice, 3 à 5 motifs vont émerger de manière évidente. Peut-être êtes-vous systématiquement attiré par la lumière dure, les compositions épurées, les expressions solitaires, la saturation des couleurs ou le noir et blanc contrasté.
  5. Nommez votre signature : Ces motifs récurrents sont les piliers de votre ADN visuel. Ils forment la grille d’évaluation objective avec laquelle vous allez maintenant pouvoir juger vos 10 000 photos. Une de vos photos est-elle un exemple brillant de votre fascination pour la « lumière dure et la solitude » ? Si oui, elle est candidate au portfolio.

Pour développer un regard unique, il est impératif de nourrir sa culture visuelle au-delà de son propre médium, comme le rappelle une note de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles :

Pour enrichir votre vocabulaire visuel, ne vous limitez pas à la photographie. Analysez les tableaux de maîtres comme Delacroix pour la composition dramatique ou Monet pour le traitement de la lumière. Les plans de la Nouvelle Vague vous enseigneront l’audace du cadrage.

– École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles, Guide de développement artistique

Connaître sa vision, ce n’est pas s’enfermer dans un style. C’est se doter d’un filtre puissant pour opérer des choix cohérents et construire un corpus qui ne soit pas juste une collection de jolies images, mais l’expression d’un point de vue singulier.

Comment composer un portfolio de 15 photos qui couvre tous les registres attendus ?

Pour un photographe visant le marché corporate ou commercial en France, un portfolio doit être un subtil équilibre entre signature artistique et démonstration de compétences techniques variées. Un client doit pouvoir se projeter et comprendre en quelques secondes que vous êtes capable de répondre à ses besoins, qu’il s’agisse de portraits de dirigeants, de reportages événementiels ou de photos produits. Un portfolio de 15 à 20 images doit donc être orchestré pour couvrir les registres fondamentaux attendus par ce type de clientèle.

Il ne s’agit pas de cocher des cases de manière scolaire, mais de démontrer une maîtrise dans différents domaines tout en conservant une cohérence stylistique (lumière, couleur, composition). Chaque image doit être excellente individuellement, mais sa place dans la séquence doit servir un objectif de démonstration plus large. Pensez-y comme à la composition d’une équipe : vous avez besoin de spécialistes à chaque poste.

Le tableau suivant détaille les 5 registres essentiels à intégrer dans un portfolio polyvalent destiné au marché français, avec une suggestion de répartition pour une sélection de 15 photos :

Les 5 registres essentiels d’un portfolio corporate français
Registre Compétence démontrée Nombre de photos suggéré Points d’attention
Maîtrise humaine Portraits posés et sur le vif 3-4 photos Varier expressions et contextes (corporate, lifestyle)
Maîtrise de l’espace Architecture et décors 2-3 photos Montrer différentes échelles (détail, plan large)
Maîtrise de l’instant Reportage et événement 3-4 photos Capturer l’action et l’émotion clé
Maîtrise de l’objet Packshot et produit 2-3 photos Précision technique et créativité dans la mise en scène
Signature personnelle Photo ‘waouh’ unique 1-2 photos L’image qui montre votre style le plus pur et audacieux

Étude de cas : La règle 1-13-1 pour une structure narrative impactante

Une approche narrative efficace, utilisée par de nombreux photographes français primés, est la structure 1-13-1 pour un portfolio de 15 images. Elle consiste à : 1) Ouvrir avec une photo d’accroche extrêmement forte qui définit immédiatement votre style. 2) Développer avec 13 photos qui démontrent votre étendue technique et créative en couvrant les registres attendus. 3) Conclure avec une image audacieuse, mémorable, qui laisse une impression durable. Une étude menée auprès de directeurs artistiques parisiens a montré que cette approche séquentielle augmente le taux de mémorisation du portfolio de 65%.

CREDIBILITÉ

Un portfolio bien composé ne se contente pas de montrer de belles photos ; il répond aux questions implicites du client et le rassure sur votre capacité à gérer l’intégralité d’une commande.

À retenir

  • Le principe de soustraction : Un portfolio d’élite est défini par ce que vous osez jeter. La concision (15-25 images) est toujours plus impactante que l’exhaustivité.
  • L’objectivité chirurgicale : Séparez systématiquement la valeur sentimentale de la valeur objective d’une image. Utilisez des protocoles de tri (les 3 passes, le jury externe) pour éliminer le biais affectif.
  • La narration par la structure : Que ce soit en série cohérente ou en chapitres thématiques, la structure de votre portfolio doit servir un objectif professionnel clair et démontrer à la fois votre vision et votre polyvalence.

Comment créer un portfolio photo qui vous fait décrocher des contrats ?

Un portfolio exceptionnel n’est que la moitié du chemin. La manière dont vous le présentez, le contextualisez et le diffusez est ce qui le transforme d’une galerie d’art personnelle en un puissant outil de développement commercial. Un client ne « tombe » pas sur votre travail par hasard ; il y est guidé par une stratégie de présentation adaptée à son profil. En France, les attentes d’une agence de publicité parisienne, d’une PME de province ou d’une galerie d’art sont radicalement différentes.

Le support lui-même est un message. Un PDF soigné témoigne de votre professionnalisme et de votre respect pour le temps d’un directeur artistique pressé. Un site web personnel avec des galeries claires et une page « à propos » incarnée montre votre sérieux et votre vision à long terme. Un book papier haut de gamme, imprimé chez un prestataire reconnu comme Picto ou Processus, signale votre positionnement sur le marché du luxe ou de l’art. Adapter le contenant au destinataire est la première marque de votre intelligence commerciale.

Au-delà du support, le contenu doit être enrichi pour rassurer et convaincre. Intégrer des études de cas est particulièrement efficace. Une étude de cas simple montrant le brief initial d’un client, une photo des coulisses du shooting et le résultat final publié (sur un site web, une brochure…) prouve non seulement votre talent, mais aussi votre capacité à comprendre un besoin et à livrer un projet. D’ailleurs, une analyse montre que les portfolios qui intègrent des études de cas détaillées génèrent 3 fois plus de demandes de devis.

Voici les points clés pour une présentation optimisée pour le marché français :

  • Adaptez le format : Un PDF sobre (15-20 pages, A4 horizontal) pour les agences, un site web personnel avec galeries thématiques pour les clients directs, et un book papier haute qualité pour le marché du luxe et les galeries.
  • Intégrez des études de cas : Montrez 2 ou 3 exemples concrets du cycle « brief -> production -> résultat » pour prouver votre processus professionnel.
  • Rassurez juridiquement : Une page « Mentions Légales / Cessions de droits » claire sur votre site ou en fin de PDF est un signal fort de professionnalisme pour les entreprises françaises, soucieuses de ces aspects.
  • Soyez visible sur les plateformes pro : Affichez clairement vos profils Malt ou LinkedIn pour renforcer votre crédibilité et faciliter la prise de contact.
  • Incluez un appel à l’action clair : Chaque support doit se terminer par une invitation simple et directe, comme « Discutons de votre projet visuel », accompagnée de vos coordonnées.

Cessez de voir votre portfolio comme une finalité. Considérez-le comme le début d’une conversation, un document stratégique conçu non pas pour être admiré, but pour générer des opportunités. C’est à cette condition qu’il deviendra le moteur de votre carrière.

Rédigé par Antoine Bernard, Antoine Bernard est photographe d'art contemporain et directeur artistique depuis 18 ans. Diplômé des Beaux-Arts de Paris en photographie, il expose régulièrement en galeries françaises et européennes et enseigne la composition photographique et le développement de vision artistique à l'École Nationale Supérieure Louis-Lumière.